Depuis le début de l’invasion à grande échelle de l’Ukraine, la Russie n’utilise pas seulement la force militaire, mais aussi la pression informationnelle sur l’Europe. La France devient un terrain d’opérations massives de désinformation. Les méthodes principales incluent sites web factices, attaques de bots, manipulations sur les réseaux sociaux et mobilisation de blogueurs, y compris d’anciens employés de RT. L’objectif : saper la confiance des citoyens envers les institutions publiques, les médias et même le concept de fait dans une société démocratique.
Opération « Matriochka » : discrédit des médias et des personnalités publiques
Le service français VIGINUM a identifié la campagne « Matriochka », active depuis 2023. Son objectif : discréditer journalistes, fact-checkers et figures publiques, semer le doute et polariser la société.
Le mécanisme :
- Les fausses informations apparaissent sur des canaux Telegram en russe.
- Elles sont ensuite diffusées sur le réseau X via un système en deux étapes :
- les “seeders” créent le contenu factice,
- les “quoters” le diffusent sous les publications des médias et des influenceurs.
Des dizaines de médias français ont été victimes : TF1, Le Monde, Mediapart, France 24, ainsi que des institutions officielles comme la Banque de France, la mairie de Paris et la DGSI. Les vidéos truquées, captures d’écran et faux documents « officiels » placés aux côtés de contenus authentiques créent doute et méfiance parmi le public.
Portal Kombat et Doppelgänger : imitation des médias connus
Les campagnes suivantes — Portal Kombat et Doppelgänger — fonctionnent différemment :
- Portal Kombat : réseau d’environ 200 sites du type Pravda-FR, générant du contenu via SEO et IA.
- Doppelgänger : « versions miroir » de médias internationaux et nationaux (The Guardian, Bild, 20 Minutes, Le Monde, Le Parisien), donnant l’illusion d’une information confirmée par plusieurs sources.
Tous les sites sont gérés de manière centralisée : architecture identique, IP communes, publication automatique via Telegram, créant l’impression d’un réseau massif de sources indépendantes.
Opération Overload : surcharge informationnelle
Dans le cadre de l’opération Overload, des centaines de rédactions ont reçu des milliers de mails avec des informations factices. Les journalistes doivent vérifier la crédibilité des sources, consommant ainsi temps et ressources. Les narratifs principaux :
- anti-ukrainiens — discrédit de l’Ukraine et de son armée,
- anti-occidentaux — Europe fatiguée de la guerre,
- anti-français — fausses vidéos et graffitis ridiculisant les dirigeants,
- antisémites et anti-israéliens.
Pseudo-experts et propagandistes
Des « experts » jouent un rôle central :
- Ksenia Fedorova, ancienne directrice de RT France,
- Oleg Nesterenko, journaliste russe vivant en France depuis plus de 30 ans.
Ils publient des articles et commentaires diffusant des narratifs pro-russes, justifiant les actions de Moscou et discréditant les sanctions occidentales.
Conséquences sur la confiance et la démocratie
Selon une étude du Reuters Institute Digital News, seulement 29 % des Français font confiance aux médias nationaux. La perte de confiance rend le pays vulnérable aux manipulations externes.
La guerre de l’information menée par la Russie n’est pas seulement un défi technique. C’est un enjeu de démocratie, de transparence et de pensée critique. Comme l’a souligné Ursula von der Leyen :
« La lutte contre la guerre hybride de la Russie exige de nouvelles approches, l’unité et des actions décisives ».
La Russie continue de perfectionner ses méthodes d’influence numérique, transformant la France et l’Europe en un champ de bataille informationnel où la confiance dans les faits devient la monnaie principale.
