L’Europe face à un choix : inquiétudes, menaces et un nouveau sentiment de vulnérabilité

Le continent européen entre dans une période de fortes tensions politiques. Une nouvelle enquête d’envergure, menée par la plateforme Le Grand Continent dans neuf pays de l’UE, révèle un basculement significatif dans l’opinion publique. Les Européens réagissent de plus en plus fortement aux défis extérieurs, tandis que l’image d’une politique américaine incertaine et l’agressivité russe nourrissent un climat d’anxiété inédit depuis des années.

Trump comme facteur d’instabilité

L’un des résultats les plus marquants de l’étude est la perception très négative de Donald Trump. Près de la moitié des Européens (48 %) le considèrent comme un « ennemi de l’Europe », une tendance en nette progression. En Belgique, ce chiffre atteint 62 %, en France — 57 %.

Selon le politologue Jean-Yves Dormagen, beaucoup d’Européens anticipent un changement dans l’équilibre mondial :
« Le continent prend conscience de sa propre vulnérabilité et cherche à définir une nouvelle place dans le monde. »

Malgré la méfiance envers Trump, la perception des États-Unis reste pragmatique : 48 % des sondés soutiennent une politique de compromis dans les relations avec Washington.

La menace de guerre avec la Russie : d’un scénario improbable à une possibilité réelle

Un autre constat majeur : 51 % des répondants estiment que le risque d’une guerre ouverte avec la Russie est élevé, et près d’un cinquième le jugent très élevé.

Ce qui, il y a quelques années, relevait de la fiction politique est désormais perçu comme une possibilité crédible. Dormagen souligne que l’Europe entre dans un « nouveau régime géopolitique », où la menace d’un conflit direct redevient une réalité politique.

Le degré d’inquiétude varie considérablement selon les pays.
Les plus préoccupés par une agression russe :

  • Pologne — 77 %
  • France — 54 %
  • Allemagne — 51 %

Les pays du Sud restent moins alarmés :

  • Italie — seulement 34 %

Une faiblesse européenne : la nouvelle émotion collective

Le signal le plus préoccupant reste la faible confiance dans les capacités militaires nationales.
En moyenne, 69 % des Européens estiment que leurs armées ne pourraient pas défendre leur pays en cas d’attaque russe.

Paradoxalement, même en Pologne, pourtant en plein réarmement et voisine de la Russie, la majorité doute de sa capacité de défense. Dormagen décrit cela comme « un sentiment de faiblesse nationale devenu la nouvelle norme européenne ».

Ce sentiment de danger englobe aussi d’autres menaces : sécurité technologique et numérique, énergie, alimentation.
Seuls 12 % des citoyens ne perçoivent aucune menace sérieuse.

Le besoin de l’UE comme mécanisme de protection

Dans cette période d’incertitude, la demande d’un rôle renforcé de l’Union européenne augmente.
69 % des sondés souhaitent que l’UE joue pleinement la fonction de bouclier protecteur.

Le soutien à l’adhésion reste également élevé :
74 % des Européens veulent que leur pays demeure membre de l’UE.

Les taux les plus élevés :

  • Portugal — 90 %
  • Espagne — 89 %

Les plus faibles :

  • Pologne — 68 %
  • France — 61 %

Cinq ans après le Brexit, une majorité de 63 % le considère comme une erreur aux conséquences néfastes pour le Royaume-Uni.

Un continent en quête d’un nouvel équilibre

L’enquête montre que l’Europe traverse une profonde réévaluation de sa réalité géopolitique.
La montée des menaces — de l’instabilité américaine à la perspective d’un conflit avec la Russie — crée une atmosphère d’incertitude stratégique où les garanties de sécurité traditionnelles apparaissent insuffisantes.

La revue Le Grand Continent, fondée par des chercheurs de l’École normale supérieure, souligne que le moment est charnière.
Les Européens ne se contentent plus d’avoir peur : ils commencent à imaginer leur avenir autrement — plus responsable, plus intégré, mais aussi plus anxieux.

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